Parole d’expert : Dax Pandhi, co-fondateur de QuadSpinner

Dax Pandhi est le co-fondateur de QuadSpinner ainsi que le créateur des logiciels de design environnemental Gaea, GeoGlyph et Helios.
Il a contribué à de nombreux films et jeux AAA, qui lui ont valu d’être co-lauréat de l’award IAWTV 2014 dans la catégorie « meilleurs effets
spéciaux ». Outre ses compétences de programmeur 3D, artiste et formateur, Dax a également écrit le célèbre « Realism in Vue ».
A noter : il adore passer son temps libre auprès des crocodiles…

Il est indéniable que la nature est une source d’inspiration pour vous. Pouvez-vous nous dire d’où vous vient cette attirance ? Est-ce la raison pour laquelle vous vivez dans un désert rocailleux ?

Mon père adorait partir à la découverte de nouveaux endroits et il m’a transmis cette passion. Déjà enfant, lors d’un voyage en voiture le long d’un petit chemin de campagne, je me souviens lui avoir demandé : « où va cette route ? » et il m’avait répondu « Je ne sais pas, allons le découvrir ».
Il s’arrêta et nous passèrent l’heure suivante à explorer ce lieu inconnu. Je pense que chaque designer environnemental doit nourrir cette curiosité d’exploration. J’adore partir à l’aventure, dans des lieux connus ou inconnus, et m’y fondre autant que possible. Toute cette connaissance annexe et subconsciente me permet de créer des environnements des plus réalistes. Ce type de design peut parfois être très complexe, c’est pour cela qu’il est très difficile de l’enseigner ou de s’y former. Le seul moyen de s’y former est d’explorer, encore et toujours.

Avoir vécu dans un désert rocailleux m’a permis de découvrir des strates géologiques qui auraient été ensevelies sous les feuilles en d’autres lieux. J’ai beaucoup de chance d’être né dans une région qui s’est créée lors de la séparation de l’Inde et de l’ancien super-continent Pangée. Ce super-continent était auparavant attaché à l’Australie et l’Antarctique. Ensuite, l’Inde a dérivé jusqu’à arriver en Asie.
Après avoir parcouru de nombreuses collines accidentées dans mon enfance, j’ai engrangé énormément de connaissances concernant la lumière et la géologie. A présent, je fais mon possible pour mettre ces compétences au profit de mon travail d’artiste.

Qu’est ce que Gaea ? Pourriez-vous nous expliquer ce qui le rend unique parmi les logiciels de conception environnementale ?

Gaea est un nouveau logiciel permettant la conception de sols sur lequel nous avons travaillé depuis plus de 8 ans. Nous avions le sentiment que la conception de sols était un peu le laissé pour compte de la 3D. En effet, il n’y avait pas d’innovation dans ce domaine depuis plus d’une dizaine d’année contrairement aux autres types d’applications 3D. Grâce à Gaea, nous espérons combler ce manque. Notre but est d’agrémenter le système nodal de la procédure de conception de sols avec une nouvelle forme de modelage, à la fois algorithmique et manuelle. Gaea est une suite très complète pour la conception de sols mais ce qui rend ce logiciel vraiment unique, c’est « Directed Erosion ». Cette option permet de modeler et de contrôler l’érosion. Jusqu’à présent, l’érosion était contrôlée par l’algorithme du logiciel sans que l’utilisateur puisse la modifier. Grâce à Direct Erosion, c’est beaucoup plus intuitif car vous pouvez choisir où vous souhaitez que l’érosion se produise et le logiciel se charge du reste. Gaea propose une centaine d’options de ce type qui manquaient ou n’étaient pas bien implémentées. Ces suggestions provenaient des plus grands concepteurs environnementaux.

Tout semble réalisable grâce à la 3D. Y-a-t-il pourtant un type d’environnement naturel qui demeure difficile à reproduire ?

Très bonne question. Grâce au scan 3D, il est désormais possible de faire bien plus. Cependant, il y a toujours un manque, non pas dans les logiciels mais dans la compréhension humaine. Il y a des endroits dans les Dolomites, Bryce Canyon, où il est difficile de croire que de telles structures existent ! Je pense que la prochaine frontière à dépasser dans le domaine de la conception environnementale sera de créer ce type de formations rocheuses et de réussir à convaincre le spectateur que cela existe réellement.

Je trouve cela terriblement excitant et je passe beaucoup de mon temps libre dans cette optique. Nous avons tous vu des films tels que Thor Ragnarok ou encore Valerian qui essaient de proposer quelque chose de différent au niveau de la conception environnementale et je pense qu’ils sont dans la bonne direction. Mais plutôt que de simplement jouer avec la palette de couleurs, j’aimerais beaucoup que les artistes environnementaux (moi y compris) s’inspirent plus du désert de Kavir, du plateau d’Enneedi, du Sahara el-Beida ou du monument national Chiricahua pour créer des paysages fantastiques, qui pour autant existent réellement mais dont la beauté demeure inconnue aux yeux du grand public.